C'est une histoire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une histoire triste. Forcément.
Mon arrière-grand-père Alfred Doriot était maire... et résistant. Une période sombre et douloureuse. Il mourut le 26 février 1945 d'une crise cardiaque alors qu'il était président du comité local de résistance.
Un discours prononcé sur sa tombe explique que "dans ses fonctions, dangereuses sous la botte allemande, il fit preuve d'un grand courage et d'une grande bonté d'âme. Nombreux sont les réfractaires qui lui doivent d'avoir pu échapper à la déportation parce qu'il leur fournit les moyens de vivre malgré les précautions prises par le pseudo gouvernement de Vichy et les autorités allemandes. Plusieurs n'étaient pas d'Etupes et ne rencontraient pas, auprès de leur mairie, la même sollicitude. Et combien de cartes d'identité falsifiées !"
Un discours qui fait écho à un souvenir maintes fois racontées. Elle se déroule quelques mois avant son décès, le 4 juillet 1944. Ma grand-mère Liliane, sa fille, avait donné une interview dans L'Est Républicain du 6 mai 1995. Elle se souvenait qu'on était venu chercher son père pour lui dire qu'un soldat avait été tué au lieu-dit "Le pont-rouge" en fait le "pont-vert".
"Papa est allé voir", expliquait-elle. "Il y avait des Allemands là-bas qui lui ont dit de laisser le corps où il était".
Mais Alfred Doriot refusa. Il est allé cherché une charrette à bras à la mairie et a chargé le corps dessus. Il le cacha dans les sous-sols de la mairie. Jules Laville, le menuisier du village accepte de fabriquer un cercueil. Et le corps enterré dans le cimetière communal à deux pas de la tombe qui recevra en 1945, le corps d'Alfred Doriot.
Mais entre temps, la légende était née. L'homme n'était pas un soldat, mais un résistant. Au lieu-dit en question, assez éloigné du centre du village, existait une petit maison (aujourd'hui détruite), qui accueillait le temps d'une nuit, les personnes désireuses de passer en Suisse. Les passeurs étaient trouvés par mon arrière-grand-père et les opérations se déroulaient de nuit.
Lorsque mon arrière-grand-père a ramené le corps, la rigidité l'avait déjà envahi. Un couverture recouvrait cet homme tué par les Allemands mais un bras, au poing fermé, dépassait de la charrette. Tout de suite, la rumeur a couru : "C'est un soldat russe" ! La légende est arrivé jusqu'à il y a peu. Incongru tout de même de trouvé entre France et Suisse un soldat de l'Armée Rouge en uniforme... Rien n'y fit.
Deux jours plus tard, Alfred Doriot et Léopold Robert Montavon, le cantonnier du village, signent l'acte de décès de cet homme rédigé par mon arrière-grand-père : "Le quatre juillet mil neuf cent quarante-quatre, un individu de sexe masculin, dont l'identité n'a pu être établie, est décédé à l'endroit dit "Le pont vert", près du canal, âge approximatif : de vingt à trente ans".
Rien de plus. Aucun papier d'identité n'a été trouvé sur lui. Forcément. Un anonyme donc, que l'on porte en terre au vu et au su des Allemand qui ne pipent mot dans une ambiance tendue.
Cinquante ans plus tard, le Souvenir Français a restauré la tombe et l'a inaugurée le 8 mai 1995, en présence de ma grand-mère qui avait vu passer le corps juste devant chez elle en 1944.
Je me suis toujours demandé qui était cet homme et surtout où était sa famille qui l'a cru disparu.
Si ce billet pouvait...
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