mardi 2 juin 2015

B comme Bâtir l'avenir en construisant sa dernière demeure pour 189 francs...

"Faire des concessions ? D'accord ! Mais sur les cimetières"


Ah ! Sacha Guitry et son esprit flamboyant...

Pourtant, l'histoire d'une concessions dans le cimetière du village est difficilement traçable juste en la regardant. Qui l'a achetée ? qui a fait construire le monument ? Qui y est enterré ?

Aux Archives départementales du Doubs à Besançon, j'ai retrouvé, dans le fonds de la préfecture,  l'acte notarié concédant à perpétuité à mon arrière arrière-grand-père Charles Frédéric Doriot, les 6,30 m2 "pour y recevoir sa sépulture et celle des siens". Et ce, dans le cimetière de son village natal : Etupes.


Et l'acte n'est pas pris à la légère, devant Me Cuenin, notaire à Etupes, il comparaît avec le maire Louis Rigoulot et deux témoins Louis et Emile Chenot, cultivateurs.


L'acte d'acquisition de la concession.
(Archives Départementales du Doubs)

Charles Frédéric Doriot est dit : propriétaire et cultivateur. Il est aussi le créateur, en 1886, de la Fanfare d'Etupes qui existe toujours.

Il achète donc une concession, "déjà occupée par l'inhumation d'un membre de sa famille". En fait, deux, pour être exact. Car entre 1887 et 1890, Charles Doriot va être frappé deux fois par le malheur. Le 1er juillet 1887 naît, de son union en 1886 avec Emma Parrot, son fils Julien. Un mois plus tard, le 1er août 1887, cet enfant décède et est inhumé dans cette tombe. L'année suivante, le 30 juin 1888, c'est la naissance de mon arrière grand-père, Alfred Charles, dernier enfant du couple





Cependant, la personnes citée dans l'acte et fraîchement inhumée n'est pas son premier fils, mais son épouse Emma qui meurt le 5 août 1890, des suites d'un fièvre typhoïde contractée, selon la mémoire familiale, après avoir bu en juillet dans un ruisseau du village. Elle avait 25 ans et son second fils deux.

Le 8 janvier 1891, date de la signature de l'acte scellant l'achat de la concession pour 189 francs, Charles Frédéric Doriot est veuf depuis quelques mois, père d'un enfant en bas-âge et d'un autre décédé trois ans auparavant. Et il n'a que 30 ans...

A-t-il fait construire le monument tout de suite ? Sans doute. A droite en entrant dans le cimetière. Adossé au mur d'enceinte. Un monument taillé dans une belle pierre beige et ouvragé : des palmes, un fronton triangulaire... et une colonne brisée, symbolisant la jeunesse fauchée par la mort. Une plaque noire avec lettres or pour son épouse fixée sur la base carrée et une gravure sur une face latérale pour son fils Julien.

Charles ira rejoindre Emma et Julien, 41 ans plus tard le 19 novembre 1931. Au passage notons qu'il fut inhumé le 22 novembre, jour de Sainte-Cécile... Un comble pour le chef de la fanfare.

Sa famille ira, comme il est dit dans l'acte de 1891, le retrouver. D'abord son fils Alfred en 1945 puis son épouse Alice née Graff en 1982. Mon arrière grand-mère dont je me souviens avec émotion.


La tombe aujourd'hui


Je me souviens aussi, quelques jours avant son inhumation, de l'entreprise qui venait de creuser la terre pour y placer son cercueil. Dans la terre, les fossoyeurs y avaient trouvé les restes des personnes précédemment enterrées et les avaient remis dans une petite boîte de bois blond qu'ils avaient replacé dans la tombe. Ils avaient retrouvé aussi les modules des médailles de musique que ma grand-mère avait gardé ainsi que ses baguettes de chef de musique qui avait été placées en fagot dans son cercueil. Des reliques qui ont traversé les années ainsi qu'une paire de lunettes en verre teinté en vert qui soulageait ses yeux sensibles et qui existe toujours dans une boîte.

14 mai 1986 sur la tombe de Charles Doriot

Et cette tombe a connu divers événements dont un qui m'a marqué : le 14 mai 1986. C'était un mercredi et je n'avais pas cours. J'avais 13 ans et les anciens du village s'était réunis sur la tombe de Charles Doriot pour fêter le Centenaire de la fanfare. Sur la tombe avait été déposée une énorme lyre de fleurs et des discours avaient été prononcés.



14 mai 1986 sur la tombe de Charles Doriot


Autre chose encore, sur laquelle nous reviendrons à la lettre G.

Charles Doriot, s'était finalement remarié sur le tard le 4 avril 1912 avec Marie Vauthier de dix ans sa cadette et veuve, elle aussi, depuis 1897. Elle aussi avait un fils : Henri Pechin, né en 1893 dit Henri Marcoux mort en 1976 à Etupes. S'il restât en très bon terme avec la famille et loué pour sa conversation, (sa fonction de clerc de notaire lui donnait une connaissance encyclopédique des transactions du village), sa mère n'est pas enterré avec son second mari (elle est décédée en 1941 à 71 ans comme Charles Doriot). Mais à quelques mètres de lui, de l'autre côté du côté du portail d'entrée et avec son premier mari, les parents de celui-ci et son fils.

1 commentaire:

Briqueloup a dit…

Passionnants et même pas tristes ces récits de visites au cimetière.