mercredi 14 octobre 2015

Toute une famille dans un livret et une photo émouvante

Au contraire de l’acte d’option pour la nationalité française de mon arrière arrière grand-père Vincent Lledo, dont je ne soupçonnais même pas l’existence (voir le billet que je lui ai consacré), je pensais que le livret de famille de son fils était perdu corps et bien.

Son fils, Jean, c’est mon arrière-grand-père que je n’ai pas connu. Ni son épouse non plus, décédée deux ans avant ma naissance en 1971 à Marseille. Longtemps j’ai entendu parlé d’elle par mon père. A Alger vers 1954, elle s’installe au Bâtiment G de la rue des Sports, à un jet de ballon de foot du stade municipal et du Jardin d’Essai. Au Bâtiment J vit le frère de ma grand-mère, Vincent Lledo et son épouse.

En 1962, elle viendra vivre à Cuges-les-Pins (13) dans l’appartement de ma grand-mère et de son second mari Pierre Lubrano-Lavadero.

Finalement je ne connaissais le mariage de mes arrière-grands-parents que par un acte demandé à l’état-civil de Nantes il y a longtemps.

Il y a quelques semaines, j’ai touché du doigt la réalité de leur mariage célébré à Alger le 6 janvier 1917.

En voici la couverture :



Une union entre Jean Lledo né le 7 mars 1892 à Alger, profession tailleur, fils de feu Vincent et de Pallares Marie de la Conception (l’orthographe du livret de famille a été respecté) et Maria de la Concepcion Salas, né le 21 février 1897 à Monforte (Del Cid) Espagne, fille de Manuel et de Maria de la Concepcion Alberola.



Rien que je ne savais déjà. Sauf que dans un angle est inscrit la date du mariage religieux : 5 mars. Deux jours avant le 25e anniversaire de l’époux et quelques jours après le 20e anniversaire de l’épouse.

Sur la seconde page sont inscrits les dates de décès des époux : 24 avril 1935 à Alger pour lui et 23 mai 1971 à Marseille pour elle.



Puis les pages concernant les trois enfants. L’aîné d’abord : ma grand-mère Irène Raymonde né le 24 septembre 1918 à Alger, 6 rue de l’Orangerie. Et, inscrit à la main, la date et le lieu du baptême que je ne connaissais pas : 26 janvier 1919 (à l’âge de 4 mois) en l’église Saint-Bonaventure d’Alger.

Même chose pour son frère Vincent né le 1er mars 1920 au 6, rue de l’Orangerie à Alger et baptisé le 4 avril 1920 soit un mois après sa naissance.

Enfin la dernière sœur : Louis Marie dite Louisette né le 29 août 1929 à 16 h 50 au 6, rue de l’Orangerie à Alger et baptisée le 15 septembre 1929 dans une église dont le nom est illisible.



On constate donc que le frère a été baptisé plus jeune que ses sœurs. Craignait-on pour sa vie ? Peut-être.

Une vraie mine d’informations donc que ce livret qui a traversé un siècle, des guerres, des voyages sans trop de dommage. Une pièce administrative pieusement conservée contre vents et marées.


Pour en finir avec les mariages et les choses qui voyagent et que l’on garde pieusement : en voici une autre toute aussi émouvante. Glissée dans une pochette parmi les documents que j'ai reçus, il y avait une photo d’identité de ma grand-mère Irène sans doute âgée d’une vingtaine d’années. On l’y voit souriante, très brune et vêtue d'un manteau :



Une photo prise après son mariage de 1937 à Alger, peut-être même juste avant la naissance de son premier fils. Une photo de 1939 ou 1940. Une photo qui a aussi voyagé en suivant sans doute mon grand-père Alphonse Plancard au moment de sa mobilisation lors de la Seconde Guerre mondiale. 

Car si l'on retourne la photo on y lit ces mots presque effacés : "(...) mari adoré, ta femme pour toujours. Irène".



vendredi 25 septembre 2015

Les documents dans l'enveloppe ou comment les Lledo sont devenus français

La vie du généalogiste amateur est fait parfois de petits et de grands bonheurs.

C'est d'un grand bonheur dont je vais vous parler aujourd'hui.

En fait, il ne faudra pas moins de trois ou quatre billets pour l'exprimer sur ce blog qui a été son vecteur.

Il y a quelques jours, un mail m'est envoyé via la boîte de contact présente sur ce blog. Le neveu du second mari de ma grand-mère paternelle, Jean-Luc Turlure, artiste-peintre résidant dans le Languedoc, me recontacte et m'explique avoir retrouver des documents et des photos la concernant. Après une discussion au téléphone, il décide de me les envoyer. Un cadeau inestimable. Merci encore à lui.

Le second mari de la grand-mère que j'ai très bien connu s'appelait Pierre Lubrano-Lavadero, mais tout le monde l'appelait Pïerrot. C'était un solide gaillard qui ressemblait fort à Anthony Quinn. Il était d'origine italienne et exerçait la profession de marin de commerce.

Hier soir donc, j'ai reçu l'enveloppe blanche. A l'intérieur : un trésor que je n'imaginais même pas. Je pensais d'ailleurs que certaines pièces avaient disparu corps et bien dans les divers déménagements, le rapatriement d'Algérie de 1962, les décès... Comme quoi, il ne faut jamais désespérer.

Plusieurs billets seront donc nécessaires pour tout étudier.

Irène Raymonde Lledo, ma grand-mère, est né le 24 septembre 1918 à Alger et s'est marié une première fois en 1937 avec Alphonse Plancard, mon grand-père décédé en 1954.

Photo de mariage d'Irène et d'Alphonse Plancard

Ma grand-mère est issue de familles venues d'Espagne. De Polops de la Marina pour les Lledo en Catalogne. Son père Jean a été l'objet d'un billet sur ce blog puisque je m'interrogeais sur la signification du tatouage qu'il portait sur une jambe.

Le grand-père d'Irène, Vincent est également né à Alger d'un père né en Espagne.
Parmi les documents reçus se trouvaient sa déclaration d'option à la nationalité française comme le prévoyait la loi.




Vincent Lledo né en 1855 s'est présenté en mairie d'Alger le 3 août 1886 pour devenir français. Il est dit être le fils de feue Lledo Juan (il est mort en 1879) et de Llopis Francisca et être de nationalité espagnole.
On apprend qu'il a servi dans l'armée française puisqu'il présente, à l'adjoint qui le reçoit, un congé de réforme.

Il opte donc pour la nationalité française et réside au 70 de la rue René Caillié à Alger.

Il opte en effet et n'est pas naturalisé, d'ailleurs la loi du 22 mars 1849 le stipule bien :

"L'individu né en France d'un étranger sera admis, même après l'année qui suivra l'époque de sa majorité, à faire la déclaration prescrite par l'article 9 du Code Civil, s'il se trouve dans l'une des deux conditions suivantes :
1° s'il sert ou s'il a servi dans les armées françaises de terre ou de mer;
2° s'il a satisfait à la loi sur le recrutement sans exciper de son extranéité".Vincent Lledo satisfaisait à ces deux conditions. Pour plus de détails voir l'article "Nationalités - Lois" dans "L'Encyclopédie 1830-1962 de l'Afrique du Nord" où j'ai trouvé cet article de loi.


Les choses se corsent lorsque M. Lestienne, adjoint au maire lui demande de signer. Il est noté : "Le déclarant n'a pu signe dû à son ignorance".

C'est ainsi que la famille Lledo est devenue française.

La suite au prochain billet...

mardi 30 juin 2015

Z comme Quand nos ancêtres étaient Zouaves !

Une boutade. Leurs périodes dans les régiments de Zouaves ne furent pas de tout repos. Loin de là.

Ah les Zouaves, l'Armée d'Afrique, le sable chaud et les pays enchateurs, leur uniforme qui ne ressemblent à aucun autre... et leur vaillance au combat.

L'avantage d'être issu d'une famille de militaires, c'est de pouvoir avoir des sources multiples sur ces soldats. Finalement, Gabriel Plancard, né en 1812 à Carcassonne s'est engagé dans l'Infanterie et son premier fils Jean Pierre Félix Plancard, lui était au 22e Régiment de Chasseurs d'Afrique. Loin de son Koléa natal, il s'est retrouvé dans Metz assiégé durant la guerre de 1870 et fait prisonnier...

Non, le premier Zouaves de ma famille c'est mon arrière-grand-père Gabriel Plancard, né à Aumale le 18 avril 1888. Blessé deux fois dont une très gravement en 1914 avec croix de guerre (étoile de bronze). Il fit ses deux ans de service militaire entre 1909 et 1911 au 1er Zouaves ainsi que toutes la Grande Guerre.

Mais au fait, pourquoi les Zouaves s'appellent-ils ainsi ?

C'est le nom d'une tribu kabyle, les Zwawa qui fournissait des janissaires aux Ottomans et intégrée dans l'Armée Française. Pour bien comprendre, il suffit de lire cet article.

RaczynskiAleksander.ZuawiWWalce.1858.jpg
« RaczynskiAleksander.ZuawiWWalce.1858 » par Aleksander Raczyńskihttp://webart.omikron.com.pl/PAINT/AUTHORS/RACZ_AL/. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

Gabriel Plancard est donc incorporé dans le 1er Zouaves qui cantonne à Blida a les jambes et un bras en miette à cause d'un Schrpanell à Roclincourt dans le Pas-de-Calais...

L'autre Zouaves, c'est l'arrière-grand-père possible de ma compagne. J'avais publié un article sur lui en juin de l'an passé. Il s'appelait Jules Hautemayou, né à Paris d'une mère cantalienne. Incorporé au 2e Régiment Mixte de Zouaves, il est blessé grièvement à Cléry-sur-Somme et décède le 2 septembre 1916 à l'hôpital 103 d'Amiens :



Un destin donc que ces deux vaillants zouaves de 14-18. Voici d'ailleurs, la Marche du 1er Zouaves. Des recherches aussi en perspective pour approfondir leur parcours sur le terrain...



lundi 29 juin 2015

Y comme Year to date

Je sais, YTD est un terme économique qui comprend une période allant du début de l'année à maintenant en exceptant le présent jour.

Un sigle anglo-saxon qui peut aisément être transposé à la généalogie. Histoire, juste avant la dernière lettre du ChallengeAZ, de dresser un premier bilan.

Que m'a apporté ce challenge ?

Du plaisir d'abord. Celui que procure la généalogie en général. Quelqu'un me disait l'autre jour, après des recherches fructueuses : "La généalogie, c'est magique en fait !" C'est magique quand les trouvailles sont au rendez-vous. Pour résumer, la généalogie c'est parfois Garcimore et de temps en temps David Copperfield...

Autre plaisir : celui de réfléchir à ma généalogie. De m'asseoir, stylo en main, classeurs ouverts et de penser aux thèmes, aux sujets que je pourrai aborder. Un travail qui intervient bien en amont du mois fatidique. J'ai réfléchi à la session 2015 depuis le début de l'année... et jusqu'à il y a peu. Car si les premiers billets allaient de soi, ceux des dix derniers jours ont été modifiés et parfois transformés.

Une réflexion nécessaire mais qui, finalement, intervient peu à cette "dose", tant nous sommes accaparés par nos recherches qui s'accumulent. Réfléchir, c'est poser de nouvelles bases et mettre à plat notre généalogie. Bref, réfléchir est un travail d'avenir... puisque les bases du ChallengeAZ suivant sont en germe.

Ensuite, au fil de l'écriture des billets, je me suis aperçu qu'un sujet me paraissant simple, n'était, finalement, pas assez fouillé : les parcours de mes aïeux ayant participé à la Première Guerre mondiale présentent des zones d'ombre, l'étude de certaines cartes postales qui pourraient faire avancer ma généalogie sont en cours... On pourrait multiplier les exemples.

Pour conclure, mes recherches de l'année en cours m'ont permis d'alimenter ce blog sans trop de redites et de faire naître mes recherches à venir. Une motivation supplémentaire qui n'aurait peut-être pas été au rendez-vous sans le ChallengeAZ.


samedi 27 juin 2015

X comme Le mort inconnu de Thil... Qui est... Thil ?

J'aime beaucoup les énigmes... et les résoudre. Partir sur les traces d'un nom, d'une photo, observer, enquêter, déduire...

C'est par hasard que j'ai retrouvé cette photo très détériorée. Elle était placée dans le livret militaire de mon arrière-grand-père Alfred Doriot. Terrible cliché de la Grande Guerre. 

En sépia, il porte son uniforme de 14-18, casque Adrian sur la tête. Il porte un brassard avec une croix que l'on imagine rouge.
A l'arrière plan se trouve un homme dont on ne voit pas le visage.

Alfred Doriot est penché sur un bâche d'où dépasse un tête et divers débris humains.


A l'arrière, deux mots et une date : Thil (Champagne) 1917.



Thil est en effet, une petite bourgade non loin de Reims.

Pour commencer, je me suis plongé dans la fiche matricule d'Alfred Doriot. Né à Etupes en 1888, il est donc de la classe 1908. Son service, il l'effectue au 4e Régiment d'Artillerie puis au 5e en 1910, comme musicien. Digne de fils de son père Charles Doriot, fondateur de la fanfare d'Etupes.

En 1914, il est mobilisé au 47e Régiment d'Artillerie de Campagne en garnison à Héricourt (70) tout près de Montbéliard. Je ne m'attarderai pas sur les premières années de guerre. Mais le 22 avril 1916, il est évacué pour maladie à l'ambulance 4/55 située à Froidos dans la Meuse. Il fait partie de la 9e Batterie du 47e RAC. Ces détails auront une importance plus tard.

Il est évacué sur l'hôpital de Grenoble pour se retaper et est de nouveau opérationnel le 27 juin 1916. Sur son livret, il réintègre la 9e Batterie du 47e.

En mai 1917, le régiment se trouve vers Reims. Les batteries se mettent en position autour du village ravagé de Saint-Thierry. La 9e batterie se place au nord, à hauteur de Thil.



L'historique du 47e RAC, par le Chef d'escadron Masson, mentionne aussi : "Le régiment, malgré de durs marmitages, avait eu peu de casse en somme dans ce secteur de Saint-Thierry. Pourquoi fallut-il qu'un coup d'une brutalité inouïe vint l'attrister profondément."

Le commandant poursuit : "C'était le 25 Juin, le Colonel BERNARD avait décidé ce jour là de visiter la position de la 9e Batterie près de Thil. Comme il arrive près du village, les obus tombent fort. Mais le Colonel BERNARD n'est pas de ceux qui changent un programme pour fuir un danger. Accompagné du Lieutenant SIAU, il continue sa route, parcourt la batterie et s'en va sous la conduite du Lieutenant de VALICOURT visiter les observatoires voisins. C'est alors, qu'un obus tombe dans le boyau que les officiers suivent et les réunit tous les trois dans la même mort glorieuse".

Il n'y eu que ces trois morts à Thil où aux environs pour le 47e RAC. Les restes humains sur lesquels se penche Alfred Doriot appartiennent donc à l'un de ces trois hommes. On imagine aisément que la violence de l'explosion a déchiqueté les corps.

Qui étaient ces trois officiers ?

- Le colonel Charles Bernard n'est autre que le chef de corps du 47e RAC. Né en 1867 à Paris, il est fait,officier de la légion d'Honneur le 7 novembre 1916.

Fiche disponible ici
Lors de la grande collecte, un homme trouve une malle dans une déchetterie. Elle contient des objets 14-18 et est dite "Malle de Charles Bernard". Une plaque de cuivre où est mentionné qu'il est mort pour la France le 25 juin 1917 :

FRAD062_094 - Charles Bernard.

Premier point commun avec Alfred Doriot, il est passé à la même époque par le 5e RA. Lui était capitaine et Alfred, soldat.

On le retrouve sur le site Memorial GenWeb :
On apprend qu'il est polytechnicien promo 1885.

- Le lieutenant Augustin Marie Joseph de Valicourt, lui est né à Troyes dans l'Aube le 23 septembre 1886

Fiche disponible ici.
Sur Memorial GenWeb, on apprend plein de détails et surtout on peut y découvrir sa photo.

Enfin :

- Le lieutenant Jean Augustin Célidon SIAU, lui est né à Tarascon le 22 juin 1889.

Fiche disponible ici


Stupeur : l'acte de jugement de cet officier est transcrit à... Montbéliard le 1er octobre 1917 ! Pourquoi ? Je ne sais encore. Une nouvelle piste s'ouvre donc aux recherches.

Sur le site Memorial GenWeb, on apprend qu'il est centralien promotion de 1910.
On apprend surtout qu'il est aussi mentionné sur une plaque commémorative de l'église Saint-Maimbœuf de Montbéliard et inscrit sur le monument aux morts de la ville.
Famille catholique donc que celle du lieutenant Siau et qui devait, durant la Grande Guerre, résider dans la Cité des Princes. Qu'y faisait-elle ? mystère pour le moment.

Alors, lequel des trois ? Je dirais : le lieutenant Siau. Sans certitude bien sûr, mais la proximité avec Montbéliard me ferai pencher pour lui.

Toujours est-il que le commandant Masson nous en explique un peut plus sur l'enterrement de ces trois hommes :

"Une immense tristesse émut le régiment, car un lien d'affection sincère l'unissait à son Colonel et rien ne fut navrant comme les obsèques de ces trois officiers qui comptaient parmi les meilleurs.
Leurs dépouilles mortelles s'en allèrent côte à côte dormir leur dernier sommeil au cimetière de Trigny. Au nom des officiers et des hommes, le Chef d'Escadron MASSON vint les saluer et leur dire un dernier adieu, après quoi chacun rentra à son poste pour les venger".

Le colonel Bernard et le lieutenant Siau, se trouvent toujours au carré militaire du cimetière communal de Trigny (51). Ils occupent les tombes 62 et 63. Seul le corps du lieutenant de Valicourt a été rapatrié par sa famille après la guerre.

Finalement, à travers une simple photo et peu d'indices, on peut dérouler le fil de la petite histoire... enchâssée dans la grande.

vendredi 26 juin 2015

W comme... Wilaya

La Wilaya.

En Algérie, pays de mes ancêtres, la Wilaya est une division administrative du pays. Avec à sa tête un wali, un préfet. Les Wilayas sont divisées en daïras.

Je me suis amusé à regarder les lieux de naissance de mes aïeux et j'ai remarqué que, même s'ils étaient nés dans des wilayas différentes, ils se rapprochaient à chaque génération, un peu plus d'Alger.

Wilaya est d'ailleurs un terme récent. L'Algérie à partir de 1848 et jusqu'à la décolonisation est divisée en départements.

Toujours est-il que Gabriel Plancard, le premier qui fonda la branche pied-noire de ma famille paternel, est mort à Blida. Né à Carcassonne en 1812, il s'engagea au 20e de Ligne le 10 mars 1832 et parti pour l'Algérie en cours de conquête. Je ne sais où il se maria, mais je sais avec qui : Thérèse Joséphine Pierrot, une parisienne née en 1828.

Lui mourut à 44 ans en 1856 et elle à 45 en 1873. Les deux à l'hôpital militaire. Blida, "La ville des Roses" dans la wilaya de Blida à 47 km au Sud-Ouest d'Alger.Une ville qui fut occupée par les troupes françaises en 1839. Gabriel Plancard, en 1856 était garde-forestier, un emploi réservé aux anciens militaires et habitait Joinville, une bourgade rattachée à Blida, aujourd'hui appelée Zabana.

Génération suivante : Alphonse Jean-Pierre Plancard, né à Blida le 8 septembre 1851 et baptisé le 5 octobre. Il va se marier à Aumale, baptisée ainsi en référence au duc d'Aumale, le fils de Louis-Philippe, Aujourd'hui, la ville se nomme Sour El Ghozlane ou : "Le rempart des gazaelles" au Sud-Est d'Alger à environ 120 km : la ville de naissance de son épouse Marie Félicité Sellier, d'origine vosgienne. Lui, va mourir en 1933 à 80 an à Aboutville, aujourd'hui Aïn El Hadjar dans la wilaya de Bouïra proche d'Alger. Les voilà :


Génération suivante : Gabriel Plancard, mon arrière-grand-père né à Aumale par hasard, sa mère étant sans doute retournée chez ses parents pour accoucher, il voit donc le jour le 18 avril 1888 et s'éteint à L'Arba, aujourd'hui Laarbâ Beni Moussa, dans la wilaya de Blida à 25 km au Sud-Est d'Alger le 6 janvier 1945.

Génération suivante : Alphonse Auguste Plancard, mon grand-père, né à Seddouk le 31 juillet 1913 dans la wilaya de Bejaïa, ville de naissance de sa mère Françoise Adélaïde Barge. Il va se marier à Alger avec Irène Lledo, né dans cette ville en 1918. Le couple s'établira à Alger... enfin !



Génération suivante : Gabriel Plancard, mon père né le 10 novembre 1943 à Alger. Il aura fallu presque un siècle pour que la famille, à force de tourner autour, s'établisse dans la capitale. De ville en ville, de wilaya en wilaya, c'est dans cette cité que tout fini aussi en 1963... Et que, finalement, tout commence.




jeudi 25 juin 2015

V comme Versets bibliques et épitaphes funéraires

Que laisse un défunt à sa mort ? Son souvenir d'abord, bon ou mauvais. Un héritage, petit ou grand. Et une tombe. Belle, grandiose, originale ou très simple.

L'art funéraire est un monde à part avec ses codes. Les sabliers, les anges, les colonnes brisées... Et les épitaphes. Ah cette fameuse épitaphe disant aux vivants : "Je vous l'avais bien dit que j'étais malade !" que je n'ai d'ailleurs jamais vue...

L'épitaphe est toujours pleine d'espérance ou laisse du défunt une bonne image. Robert Sabatier écrivit un jour : "Un enfant, en lisant les épitaphes sur les tombes du cimetière, demanda à son père dans quel coin du cimetière on enterrait les méchants"...

"L'épitaphe est une des dernières informations sur l'identité du défunt. Elle se double quelquefois d'un message qui prend forme d'une sorte de testament moral légué", peut-on lire dans un article intitulé "Les tombes protestantes" sur le site Musée protestant. Un article issu de la recherche d'Anne Nègre, avocat au barreau de Versailles dans le cadre de sa thèse de doctorat en droit "Contribution à l'histoire du patrimoine : le cimetière protestant de Nîmes, 1778-1910", Université de Poitiers, Faculté de Droit et de Sciences sociales.

Intéressante étude d'un cimetière protestant.Calviniste en l'occurrence. Dans le cas qui nous intéresse, le cimetière d'Etupes est, à l'époque qui nous intéresse (XIXe et début XXe siècle) exclusivement protestant luthérien. Les rares catholiques du villages vont, eux, se faire enterrer... dans un village plus éloigné !

Sur la plupart des tombes de cette période, et même encore de nos jours, l'épitaphe est composé d'un verset biblique. Un verset soigneusement choisi par l'intéressé ou sa famille. La connaissance de la bible à cette époque est très bonne puisque l'apprentissage et la lecture des écritures est indispensable à la formation du jeune protestant. Les enfants, souvent, apprennent à lire dans la bible de leurs parents.

Car chez les protestants, des bibles, on s'en voit offrir souvent : mariage, confirmation... Et toutes, absolument, comporte un verset manuscrit. Pour exemple, le 17 novembre 1985, au catéchisme, j'ai reçu ma première bible. Celle-ci comporte ce verset inscrit par le pasteur Boilloux, est tiré du Psaume 119/105 : "Ta parole est une lampe devant mes pas, une lumière qui éclaire ma route".

Le livre des Psaumes, voilà une source inépuisable de versets qui viendront orner des tombes à Etupes. Deux sur une seule sépultures, rien de moins :

« Sur Dieu seul mon âme repose paisiblement » Ps 62-2
« Quoi qu’il en soit, mon âme se repose en Dieu » Ps 62-2

ou encore :

« Il guérit ceux qui ont le cœur brisé et il bande leurs plaies » Ps 147-3

« Fais moi entendre la joie et la consolation et que les os que tu as brisés se réjouissent » Ps LI 10

« La vie est un combat dont la palme est aux cieux. La lumière est semée pour le juste et la joie pour ceux qui ont le cœur droit » Ps XCVII-11

D'ailleurs une référence au livre des Psaumes orne la tombe du caporal Peugeot :

« Que ton cœur soit ferme et espère en l’Eternel » Ps XXVI-14



Juste à côté, son grand-père, le colonel Pechin, ancien saint-cyrien a préféré une référence au prophète Job :

« Tu entreras au sépulcre dans la vieillesse comme on emporte une gerbe en son temps » Job V-26

Les prophètes, une autre source de versets mortuaires et en particulier Esaïe :

« Ne crains point car je te rachète, je t’appelle par ton nom, tu es à moi » Esaïe XLIII

« Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé pour consoler ceux qui sont dans le deuil » Esaïe 61 1-2 :



«  Je t’appelle par ton nom, tu es à moi ! » Esaïe 43-1

Ou, comme sur la tombe à Menton d'Auguste et Camille Doriot :

"Tu n'auras plus le soleil pour lumière mais l’Éternel sera pour toi une lumière éternelle" Esaïe LX-19



Mon arrière-grand-père Alfred Doriot et son épouse sont enterrés dans la tombe de Charles Doriot, de son épouse et de leur autre fils mort à un mois. Elle porte ce verset tiré de Jérémie :

« Je l’ai aimé d’un amour éternel c’est pourquoi je l’ai attiré par ma miséricorde » Jérémie 31-3


Les évangélistes ont aussi la cote, surtout Matthieu :

« Heureux ceux qui ont le cœur pur car ils verront Dieu » Matth 5-8
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice car ils seront rassasiés » Matth V-6 (aviateur)

Sur la tombe de Frédéric Curie, impossible de graver un verset biblique. Athée et enterré civilement, son épouse a quand même contourner la question en laissant une phrase simple qui pouvait lui convenir également, elle, qui était protestante, croyante et pratiquante :

« Que ton repos soit aussi doux que ton cœur était bon »

Parce des épitaphes profanes, il en existe aussi :


« Ta mémoire est toujours près de moi - Dilectissima mater requiescat in pace ».

Ou, sur la tombe des Lyon d'Amérique, la fille Adèle Durbec, demoiselle Lyon fait inscrire : 

"Ce monument a été élevé à la mémoire de Pierre Doriot et de Suzanne Lyon"


Plus émouvant cette phrase : "Témoignage du profond amour et de la vive affection de tous ceux qui ont su l'apprécier" :



Pour terminer, voici deux épitaphes exceptionnelle, la première est présente au cimetière d'Etupes. C'est celle d'Henri Iselin FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français). un simple plaque barrée de tricolore indique son nom et sa date de décès : 17 novembre 1944. Arrêté par les Allemands, il est retrouvé mort dans sa cellule à la prison de Montbéliard.
La phrase est éloquente : "Mieux vaut mourir que trahir". Cela veut-il dire qu'il s'est suicidé, comme le faisait beaucoup de résistant, plutôt que de donner ses camarades de réseau ? Peut-être. Un geste de courage et d'honneur.



Enfin, voici l'épitaphe que j'avais traité dans un précédent billet daté du 9 juin 2014. Le possible arrière-grand-père de ma compagne se nommait Jules Hautemayou. Mobilisé en 1914, il fut blessé à Cléry-sur-Somme et décéda le 2 septembre 1916 à l'hôpital d'Amiens.

Après la guerre, sa mère, retournée dans le Cantal le fit rapatrier dans le caveau de famille. Au passage, elle fit prélever une dent sur le crâne. Dent qu'elle conserva sur elle, le reste de ses jours.

La tombe du cimetière de Saint-Simon comporte une plaque où est inscrit qu'elle pleure son fils chéri... "martyr des capitalistes !" :



mercredi 24 juin 2015

U comme... Un coin d'Etupes

"Un coin d'Etupes". L'appellation m'a toujours fait sourire. Ça pourrait être n'importe quel coin... Parce que des coins et des recoins à Etupes il y en a un paquet !

C'est cette carte que j'ai trouvé par hasard qui m'a fait me lancer dans une étude plus sérieuse :


Elle date du début du XXe siècle et est signé de mon arrière arrière-grand-père Charles Doriot. une carte de bonne année à l'attention de la famille de son épouse, Emma Parrot, décédé en 1895. Une famille originaire de Désandans (25). Le destinataire est Léon Parrot et sa famille, cultivateur à Vieux-Charmont.

En analysant de plus près la photo, on aperçoit le temple au fond à gauche. Il semble donc que cette rue soit : la rue de Dasle... parce qu'elle mène à Dasle. Forcément. Le quartier s'appelle aussi : "Sous les Vignes" parce que ce secteur, bougrement bien exposé, permettait la culture de la vigne. On en tirait une infâme piquette titrant 9 à 10° les bonnes années. On disait qu'il fallait quatre mains pour en boire un verre : une qui tenait le verre et trois qui tenaient la table...

Sur ce cliché, on aperçoit l'intersection de la rue principale avec une rue plus petite, l'actuelle rue Emile Beley, du nom d'un maire de la localité.

Le coin est très peu peuplé.

En fouillant dans mes cartes postales, j'en ai retrouvé une des années 1960. Prise donc une soixantaine d'années après ce premier cliché et pratiquement du même endroit :


On s'aperçoit que les maisons ont envahi l'autre côté de la rue et que des baraques provisoires ont été construite sur ce petit bout de rue Emile Beley. Ces maisons ont aujourd'hui disparu laissant place en leur milieu à la rue de la Charme qui va au lieu-dit... la Charme. Un lotissement est sorti de terre.

Voici l'intersection aujourd'hui. Plus d'un siècle sépare ses deux photos. Finalement, sous les façades refaites et en faisant abstraction des fenêtres de toit qui ont fleuri, les maisons sont toujours là et sont reconnaissables.

Encore une chose : en écrivant cet article, je me suis aperçu que la rue de Dasle ne s'appelait pas comme ça. C'est la rue de la Libération, puisque les troupes américaines à la fin 1944 sont arrivées par là... Un coin d'Etupes chargé d'histoire et de souvenirs...

mardi 23 juin 2015

T comme... Le cimetière du Trabuquet de Menton, Auguste Doriot et la lettre T manquante



Le cimetière du Trabuquet se mérite. Perché dans les hauteurs de la cité. Et les tombes étagées forment une ville au  out du Chemin du Trabuquet.

En mars 2014 j'étais à Menton. Quelques jours de vacances, les pieds dans la Méditerranée. Mais les ancêtres ne sont jamais bien loin.

Dans la famille Doriot, je demande Auguste Frédéric. Le regard dur et la moustache blanche. Celui-là a fait son chemin, de l'atelier des automobiles Peugeot du Pays de Montbéliard jusqu'à Courbevoie où il fonde en 1906 sa propre marque de voiture...

Né le 24 octobre 1863 à Sainte-Suzanne, ville a quelques kilomètres de Montbéliard, Auguste épouse en 1894, à Valentigney (25) Berthe Camille Baehler, née en 1870 à Voujeaucourt (25).

La quarantaine passée, spécialiste de la question automobile naissante, il en devient l'un des pionniers pendant 20 ans. Et fonde avec deux associés la marque DFP (Doriot Flandrin Parant). Une grosse quinzaine de modèles sortiront des ateliers de Courbevoie où Auguste réside au 7 rue Franklin.

Le couple Doriot-Baehler aura deux enfants : Madeleine en 1906 à Neuilly-sur-Seine où le couple réside à l'époque au 2 rue de l'hôtel de ville. Elle épousera en 1935 un pasteur : Paul Ernest Poillot et décédera à Courbevoie le 8 novembre 1996.

Sept ans plus tôt, c'est un garçon qui est né : Georges Frédéric, le 24 seprtembre 1899 au 83 boulevard Gouvion-Saint-Cyr dans le XVIIe arrondissement de Paris. Le 83 de ce boulevard est le premier siège de la marque Peugeot...

Georges Doriot (la notice en anglais est plus complète : Georges Doriot) n'est pas un inconnu, loin de là. Economiste de renom, il enseigna à Harvard, atteignit le grade de général de brigade dans l'armée américaine durant le Second Conflit mondial et est surtout le père du capital-risque. Marié à Edna Allen, le couple n'eut pas de descendance. Georges F. Doriot est mort le 2 juin 1987 à Boston aux USA et le New-York Times, lui consacra une notice nécrologique... rien que ça !

Mais revenons à Menton. C'est la résidence d'été d'Auguste et de Camille. C'est là, d'ailleurs, qu'il décéderont : lui le 27 septembre 1955 et elle le 13 février 1968. Son acte de décès mentionne qu'il réside au 25 avenue Riviera... tout un programme. Voici l'immeuble :



Un courrier de la mairie de Menton m'apprend qu'ils sont enterrés au cimetière du Trabuquet dans une concession centenaire acquise par son épouse le 22 avril 1957 (22 avril, jour de mon anniversaire...). La tombe porte le numéro 3171 dans le carré A.

Je me rends dans l'après-midi du 7 mars au cimetière du Trabuquet où je trouve la tombe qui est en fait une plaque sur un mur, jouxtant d'autres plaques. Derrière, deux logements pour y recevoir les deux cercueils. La vue est imprenable sur la Méditerranée...


Avec en prime un verset tiré du prophète Esaïe. Une tradition protestante. Nous y reviendrons à la lettre V le 25 juin.

Mais le plus beau reste à venir.

En photographiant la plaque et en l'observant, je m'aperçois que la lettre T du nom Doriot a disparu. Ne reste que le logement de la capitale et ce depuis fort longtemps, l'oxydation qui coule des autres lettres a marqué la plaque de marbre. Il n'en est rien pour ce T là.

Je m'éloigne de la tombe et je me dis que, quand même, ce serait étonnant... je fouille dans les aiguilles de pins sèches au pied de la plaque... et je retrouve le fameux T coincé sous une couche de végétaux et le mur. Je l'ai remis dans son logement.






lundi 22 juin 2015

S comme... Louis Antoine Stintzy, évacué à Slivica en 1917

La numérisation des fiches matricules, surtout quand elles sont indexées, font faire de grands pas aux recherches généalogiques.

C'est le cas pour les ANOM, les Archives Nationales d'Outre-Mer. On entre un nom et hop, miracle, les fiches apparaissent !

En faisant des recherches généalogiques sur les soldats de la Grande Guerre présents dans mon arbre, je me suis attardés sur Louis Antoine STINTZY. J'y ai donc retrouvé sa fiche :


Extrait de la fiche matricule de Louis Antoine Stintzy visible sur le site des Anom en cliquant sur cette légende.
Né le 11 mars 1875 à Blida, il est le fils de François Antoine Marcel, né en 1847 en Alsace et mort à Koléa en 1888. Sa mère est Marie Eugénie Sabine PLANCARD née en 1853 à Blida. Elle est la fille de Gabriel Plancard, né en 1812 à Carcassonne. Celui-là même qui a fondé ma branche paternelle en Algérie. Louis Antoine STINTZY est donc son petit-fils, qu'il n'a pas connu puisqu'il mourut à Blida en 1856.

En revanche, la mère de Marie Eugénie Sabine, Thérèse Jospéhine PIERROT, née à Paris en 1828, a tiré sa fille d'un mauvais pas en 1871 lors de la naissance de sa fille Félicie Jospéhine. C'est en effet sa mère qui déclare la naissance comme étant la sienne ! La situation sera régularisée en 1877 lors de son mariage avec Louis Antoine STINTZY... Un billet de ce blog retrace cette histoire.

Justement, ce Louis Antoine n'a pas eu une vie militaire facile. Loins s'en faut.
Bon, son service militaire s'est passé au 2e régiment de Zouaves. Il arrive au corps le 12 novembre 1896. Il fait son temps et se voit accorder un certificat de bonne conduite.

Ce forgeron d'1,67 m, châtain aux yeux bleus et à l'éducation primaire, reprend sa vie civile. Ses adresses successives s'étalent sur la colonne de droite de la fiche matricule : Castiglione en 1905 (aujourd'hui Bou Ismaïl, à 40 km au Sud-Ouest d'Alger), Blida en 1908, deux ans plus tard, il est dit charron chez M. Vacaro à Boufarik (ville de naissance de la boisson Orangina !). En 1912, il travaille chez Bernault à Douëra et réside toujours dans cette ville en 1921.
Bref, il va là où le travail le porte dans une rayon restreint autour d'Alger.

On sait aussi qu'il porte un tatouage au bras droit. Tiens, ça fait deux tatoué dans ma famille. L'autres est Jean Lledo dont j'ai pu, grâce au blog, décrypter sa signification. Ici, pas d'autres mentions, ni de taille, ni de description.

Toujours est-il que Louis Antoine, descendant d'Alsacien, est mobilisé en 1914. Et arrive au 3e Bataillon territorial de Zouaves, qui caserne à Dellys à 50 km de Boumerdès, le 5 août 1914. Louis Antoine intègre la Territoriale parce qu'il est âgé, en 1914 de 39 ans.

Moins d'un an après, le 15 juin 1915, il passe au 17e Escadron du Train des Équipages Militaire. Le ravitaillement en nourriture et en matériel. Puis part en Orient avec l'Armée du même nom, le 9 octobre 1915. Gallipoli, Dardanelles... Autant de noms qui ont marqué la Première Guerre mondiale.

Louis Antoine y reste deux ans et est "évacué malade" le 7 mai 1917 sur l'ambulance 3/57 à Slivica (Serbie) actuellement en Macédoine. Il y est soigné et est "évacué d'Orient le 26 juin 1917).

Le 8 décembre 1917, on estime qu'il s'est assez battu et il est détaché comme forgeron à l'atelier Cacciutolo à Alger et est relevé de cet emploi le 23 décembre 1918.

Voilà donc l'histoire de Louis Antoine qui mourut septuagénaire le 11 août 1946 à Douëra.

Les fiches matricules font aussi apparaître son frère Emile Stintzy, de la classe 1902, né le 21 avril 1882 à Blida. Ce forgeron d'1,70 m est dispensé de Service militaire comme soutien de famille. Il sera dispensé de ses obligations militaire en 1922 pour atrophie musculaire et parésie (perte de motricité) du membre supérieur gauche, troubles circulatoire de la main et de l'avant-bras et "attitude en griffe des deux derniers doigts de la main gauche). Le 4 août 1914, il est mobilisé au 6e Groupe d'Artillerie puis au 3e Groupe d'artillerie de Campagne. Il sera réformé parce que père de 4 enfants vivants.

Enfin, les deux fils de Louis Antoine et de son épouse Eugénie Bieber : Pierre Etienne, né le 23 septembre 1899 à Blida et Emile Louis né le 14 mars 1901 à Blida, ont eux aussi leur fiche. Source inépuisable de renseignements complémentaires.




samedi 20 juin 2015

R comme... Edmond Rigoulot, l'homme aux cinq citations 14-18

Yeux bleus et cheveux en brosse, nonagénaire bon teint, gentil et bienveillant. Voilà comment je me souviens de mon arrière-grand-père. Il est mort en 1983, j'avais 10 ans.
Je me souviens de sa voix douce et je garde quelques images en tête : assis en bout de table dans la salle à manger de sa maison d'Etupes. Derrière lui un bahut et au-dessus : un cadre avec une photo de ses trois enfants. Sur ce cadre était piqué une croix de guerre 14-18 ornée de plusieurs étoiles dont j'ignorais tout. Jamais je n'ai posé de questions. Et jamais il n'en a parlé. A quiconque. Peut-être à sa femme. Et encore.

Le voici avec son épouse Fanny en 1919.Il porte sa croix de guerre et la fourragère de la 4e compagnie du 28e bataillon du Génie aux couleurs de la médaille Militaire.
Né le 25 juin 1892 à Etupes, Edmond Frédéric Rigoulot est rapidement orphelin de père.
Après une scolarité plutôt brillante et une amitié avec Jules André Peugeot, futur premier mort de la Grande Guerre, il est appelé avec la classe 1912.
Quand sonne la mobilisation générale d'août 1914, il est incorporé au 28e bataillon du Génie créé le 1er mai 1914 à Belfort. Le 2 août 1914, il incorpore une compagnie de réservistes, la 4e. Elle est commandée, durant toute la guerre, par le capitaine Guéry. (Cf la fiche Wikipedia)

Ah le capitaine Guéry, passé commandant, qui rédige en 1929 l'Historique de la Compagnie 28/4 du Génie. Un bonheur.

Ce chef qui, dans un discours, le 28 février 1919 leur dit : "C'est que vous avez toujours été superbes, individuellement et collectivement, depuis les débuts en Alsace jusqu'à l'armistice,
pendant 51 mois de campagne. Vous avez connu presque toutes les parties du front, depuis la frontière de la Suisse jusqu'à la mer du Nord. Votre lot aura été la guerre d'embuscades et de ruses, en Alsace, avec des nuits de travail fréquemment répétées, — la lutte de position à Verdun, l'un des plus grands épisodes de la campagne, au chemin des Dames fameux et légendaire, puis dans les Flandres, pour en arriver enfin, dans la Somme, dans le Nord, et aux confins de la Picardie, aux dures journées de résistance contre l'ennemi, mais aussi à sa poursuite et au fait accompli de sa déroute. Tout cela sous les balles, les bombardements les plus terribles, à travers un terrain bouleversé par les engins puissants de la guerre moderne, dans l'atmosphère des explosions et de la poussière sinistre du champ de bataille".

Verdun, le Chemin des Dames... L'horreur.

Sa fiche matricule aux archives départementales de Belfort est éloquente.

Cinq citations et une blessures émaillent son parcours. Des citations reprises dans l'historique du commandant Guéry.

La première, à l'ordre de la Division, date du 31 janvier 1915 lors des opérations d'Alsace : "S'est porté crânement en avant sous le feu des fusils et des mitrailleuses ennemies pendant 200 mètres pour aider l'infanterie dans l'assaut d'une tranchée"

La seconde, toujours à l'ordre de la Division, est du 13 décembre 1916 à Douaumont : "Excellent travailleur dans le danger, toujours plein de courage et de zèle a assuré, au cours de l'attaque du 24 octobre, le ravitaillement de la section dans des conditions particulièrement dangereuses, sous de
fréquents bombardements". Le 24 octobre 1916, date de la reprise du Fort de Douaumont par les Français du RICM, le Régiment d'infanterie coloniale du Maroc, pays où il va se rendre au tout début des années 1920 et où mon grand-père naîtra en 1922... Tout un symbole.

Une troisième est mentionnée dans l'historique, à l'ordre du Commandement du Génie (Brigade). Elle concerne une action qui a eu lieu à la fin de 1916, dans le village meusien, aujourd'hui mort pour la France, de Bezonvaux : « Courageux et très brave. Malgré un travail intensif, sous un violent bombardement, a assuré en plus, dans des conditions très dangereuses et avec le mépris du danger, la liaison efficace entre le chef de bataillon de chasseurs et son chef de section du génie, ainsi que le ravitaillement de ses camarades. »

La quatrième citation est datée du 3 novembre 1917, toujours à l'ordre du commandement du Génie, lors de la 2e bataille des Flandres : « Énergique, plein d'ardeur au travail; a entraîné ses camarades dans un effort soutenu que n'a pu entamer ni le feu de l'ennemi,ni la fatigue, ni la fange et l'eau qui s'opposaient à son travail. »

Edmond Rigoulot le fut blessé le 18 août 1918 à Tilloloy dans la Somme. Il fut cité à l'ordre de la Division : "Volontaire pour les missions dangereuse, a été blessé en travaillant à rétablir les communications sous le feu de l'Artillerie et des mitrailleurs ennemis". Il a reçu un éclat d'obus au bras droit.

L'historique de la 28/4 le mentionne : "Le lendemain (18 août), ce travail est continué par le peloton Chevillot, pendant que des fractions du reste de la compagnie réparent les chemins donnant accès à Tilloloy, afin de permettre l'établissement d'un circuit pour les voitures sanitaires automobiles;
celles-ci, qui viendront de Bus pour desservir les postes de secours des premières lignes, pourront alors retourner à l'arrière par le nord du parc. Au cours de cette mission, le sapeur Rigoulot, blessé par éclat d'obus au bras, est évacué".

Le 11 novembre 1918, Edmond Rigoulot l'appris en Belgique, à Macon, dans la région de Chimay dans la province du Hainaut. Le commandant Guéry dresse un tableau des membres de la 28/4 parti le 6 août 1914 de Belfort et présent Outre-Quiévrain le jour de l'Armistice. Il n'était plus que 41...

Voilà donc Edmond Rigoulot, mon gentil arrière-grand-père dit "Le Grand Papa", titulaire d'une croix de Guerre 14-18 avec trois étoiles d'argent et deux de bronze gagnées sur les pires champs de bataille de 14-18. Et blessé au bras en prime.

Sa fiche matricule mentionne aussi qu'il est titulaire de la médaille commémorative de la Grande Guerre, et aussi, par décret du 7 juin 1928 (JO du 21 juin 1928), titulaire de la médaille Militaire alors qu'il est, à cette date, revenu à la vie civil et qu'il conçoit des barrages sur des oueds marocains au fin fond du pays. En réalité, cette médaille militaire est mentionné au titre de la réserve dans le JO du 10 novembre 1927...

Le voilà donc bardé de décorations mais sa boutonnière ne s'ornait d'aucun ruban. Jamais il ne portait ses médailles. Enfin pas tout à fait, seul un ruban orange bordé de blanc trônait au revers de sa veste... Edmond Rigoulot était en effet, chevalier de l'Ordre du Ouissam El Alaouite chérifien, la légion d'Honneur marocaine. "La distinction, ou décoration, du Ouissam El Alaouite, est toujours décernée aujourd'hui aux ministres, aux diplomates, ainsi qu'aux personnalités étrangères (et non marocaines) ayant rendu des services éminents au Royaume", lit-on sur la page Wikipedia de l'ordre. 
Une médaille qu'il avait reçue à titre civil pour ses créations de barrages.



Medaille Ordre du Ouissam Alaouite Maroc.JPG

« Medaille Ordre du Ouissam Alaouite Maroc » par ChatsamTravail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

vendredi 19 juin 2015

Q comme... Trois Quartes de mouture pour les pauvres

La quarte est une unité de mesure.

Durant l'Ancien Régime, Le Pays de Montbéliard n'est pas français mais rattaché aux possessions des Würtemberg outre-Rhin. Etupes, donc, siège d'un château magnifique depuis 1771, utilise divers unités de mesures dont la quarte qui représente un volume de grains.

Une quarte est égale à deux coupots, le coupot étant équivalent à huit coupes... Bref, la quarte équivaut à 27,2 litres (In Etupes, monographie d'un village de l'ancien Comté de Montbéliard, par Michel Wittig, 1994).

C'est en fouillant aux Archives Départementales du Doubs que j'ai découvert la mention de cette mesure dans le testament de mon ancêtre Jean Georges Doriot (sosa 1792), né à Blamont vers 1705 et mort à Etupes le 22 janvier 1782.

Meunier de son état, il habitait une maison de l'actuelle rue des Prés qui existe toujours. Sur le linteau de porte sont gravées trois lettres et une date : IGD 1742 (Jean Georges Doriot - 1742). La voici sur la gauche :



Son testament date du 16 janvier 1782, six jours avant son décès.

Dans cette maison se rendent à cette date huit personnes : Frédéric Charles Bouthenot, avocat et bourgeois de Montbéliard (Jean Georges Doriot est bourgeois de Blamont et d'Etupes), Daniel Koelig, maire à Etupes (de 1778 à 1794), Joseph Chenot, Jean-Georges Peugeot, Pierre Bourgogne, Jean-Pierre Pechin, Léopold Marthe de Bavans et Georges Contejean, régent d'école à Etupes et originaire de Bethoncourt (de 1780 à 1785).

Ils écrivent : "l'avons trouvé dans sa maison dite la neuve maison où il a sa résidence actuelle même, dans sa chambre établie dans la partie septentrionale de cette maison prenant jour au levant", c'est précis ! Plus important, ils l'ont trouvé : "jouissant de tout son bon sens et jugement quoiqu'un peu indisposé (il a pas loin de 77 ans)".

L'entretien commence : Il nous " avois déclaré et nuncupé (dicté par le testataire) de vive voix ses dites intentions de la manière suivante".

Jean Georges Doriot détaille tous ses enfants (il en a dix), et partage tout en parts égales. Mais avant cela, la première clause est celle-ci : "Il nous a déclaré qu'il vouloit, qu'après son décès, il soit distribué aux pauvres dudit Etupes, au devant de sa maison, trois quartes de mouture qui seront réduites en pain". Soit 81,6 litres ce qui donne environ 50 kg de farine complète...

Voici la clause dans la minute du 31 janvier 1782 :


Un soucis bien chrétien, mais visiblement sans arrières-pensées de salut puisqu'en bon protestant, il ne pouvait faire son salut par les œuvres.

Gageons que cette dernière volonté, inscrite dans son testament a été respectée.

En tout cas, tous ont signé ses déclarations, y compris lui. La signature est rendue difficile par son état de santé. Émouvant aussi de savoir que moins d'une semaine après, il passait de vie à trépas...





jeudi 18 juin 2015

P comme... La tombe du caporal Peugeot, le premier mort de la Grande Guerre

Voici l'histoire officielle de la mort du caporal Peugeot dans le Journal Officiel.



Né le 11 juin 1893 à Etupes, le caporal Peugeot est une célébrité. Bien malgré lui. Il cousine avec ma famille maternelle. Dans le village, la rue où il est né porte son nom. La famille Peugeot que nous retrouverons bientôt dans un autre billet.

On connaît tous sa fin tragique à Joncherey, village du Territoire de Belfort où il perdit la vie. Tuant au passage un lieutenant allemand Camille Mayer qui est devenu le premier mort allemand.

Les deux hommes perdirent la vie 24 heures avant la déclaration de guerre officielle, le dimanche 2 août 1914 vers 10 heures du matin.

Le caporal Jules André Peugeot, instituteur aux "Pissous" dans le Haut-Doubs près de Villers-le-Lac, est mobilisé sous l'uniforme du 44e RI, régiment dans lequel il effectuait son service militaire.

Ramené à Etupes, son enterrement a eu lieu dans la tombe familiale deux jours plus tard.



Une stèle du Souvenir Français, explique en quelques lignes son histoire :


Plus d'un demi-siècle après, le 11 novembre 1968, date des 50 ans de l'armistice, c'est sur la tombe du caporal Peugeot que se déroule la cérémonie. C'est mon arrière-grand-père Edmond Rigoulot, alors adjoint au maire, qui prend la parole. Ancien de 14-18 également, né en 1892, il rend hommage à celui qu'il a bien connu : "André Peugeot a toujours été le camarade parfait, gai, bienveillant, parfaitement désintéressé et sachant choisir ses camarades auxquels il restait très attaché. Ce fut pour moi personnellement, un très bon camarade et nous avons tous deux us nos fonds de culotte sur les mêmes bancs et dans les mêmes classes de la maternelle au cours complémentaire".

Il y rappelle l'enchaînement des événements : "Il suivait les cours d'élève officier et c'est dans ces conditions qu'il vint, avec son régiment, prendre position à la frontière d'Alsace au début du mois d'août, avec toutefois, un recul de 10 km imposé par le gouvernement".

Il poursuit : "Le corps de notre camarade put être ramené dans son village dans la soirée et enseveli dans ce caveau de famille au milieu des siens. depuis, 54 années se sont écoulées. Les sentiments revanchards du début se sont émoussés. Tout en conservant un souvenir attendri de notre camarade, première victime d'une guerre qu'il ne voulait certainement pas, nous ne pouvons que présenter à sa famille toute notre sympathie attristée. Et quant à toi, cher André regretté, sacrifié au printemps de la vie, soit assuré que tu es toujours vivant parmi nous".

Une minute de silence a suivi.

Où quand la grande histoire est vue par ceux qui ont connu les protagonistes...

mercredi 17 juin 2015

O comme... Où est la famille de l'inconnu du Pont-Vert ? En Russie ?

C'est une histoire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une histoire triste. Forcément.

Mon arrière-grand-père Alfred Doriot était maire... et résistant. Une période sombre et douloureuse. Il mourut le 26 février 1945 d'une crise cardiaque alors qu'il était président du comité local de résistance.



Un discours prononcé sur sa tombe explique que "dans ses fonctions, dangereuses sous la botte allemande, il fit preuve d'un grand courage et d'une grande bonté d'âme. Nombreux sont les réfractaires qui lui doivent d'avoir pu échapper à la déportation parce qu'il leur fournit les moyens de vivre malgré les précautions prises par le pseudo gouvernement de Vichy et les autorités allemandes. Plusieurs n'étaient pas d'Etupes et ne rencontraient pas, auprès de leur mairie, la même sollicitude. Et combien de cartes d'identité falsifiées !"

Un discours qui fait écho à un souvenir maintes fois racontées. Elle se déroule quelques mois avant son décès, le 4 juillet 1944. Ma grand-mère Liliane, sa fille, avait donné une interview dans L'Est Républicain du 6 mai 1995. Elle se souvenait qu'on était venu chercher son père pour lui dire qu'un soldat avait été tué au lieu-dit "Le pont-rouge" en fait le "pont-vert".

"Papa est allé voir", expliquait-elle. "Il y avait des Allemands là-bas qui lui ont dit de laisser le corps où il était".

Mais Alfred Doriot refusa. Il est allé cherché une charrette à bras à la mairie et a chargé le corps dessus. Il le cacha dans les sous-sols de la mairie. Jules Laville, le menuisier du village accepte de fabriquer un cercueil. Et le corps enterré dans le cimetière communal à deux pas de la tombe qui recevra en 1945, le corps d'Alfred Doriot.

Mais entre temps, la légende était née. L'homme n'était pas un soldat, mais un résistant. Au lieu-dit en question, assez éloigné du centre du village, existait une petit maison (aujourd'hui détruite), qui accueillait le temps d'une nuit, les personnes désireuses de passer en Suisse. Les passeurs étaient trouvés par mon arrière-grand-père et les opérations se déroulaient de nuit.

Lorsque mon arrière-grand-père a ramené le corps, la rigidité l'avait déjà envahi. Un couverture recouvrait cet homme tué par les Allemands mais un bras, au poing fermé, dépassait de la charrette. Tout de suite, la rumeur a couru : "C'est un soldat russe" ! La légende est arrivé jusqu'à il y a peu. Incongru tout de même de trouvé entre France et Suisse un soldat de l'Armée Rouge en uniforme... Rien n'y fit.

Deux jours plus tard, Alfred Doriot et Léopold Robert Montavon, le cantonnier du village, signent l'acte de décès de cet homme rédigé par mon arrière-grand-père : "Le quatre juillet mil neuf cent quarante-quatre, un individu de sexe masculin, dont l'identité n'a pu être établie, est décédé à l'endroit dit "Le pont vert", près du canal, âge approximatif : de vingt à trente ans".

Rien de plus. Aucun papier d'identité n'a été trouvé sur lui. Forcément. Un anonyme donc, que l'on porte en terre au vu et au su des Allemand qui ne pipent mot dans une ambiance tendue.

Cinquante ans plus tard, le Souvenir Français a restauré la tombe et l'a inaugurée le 8 mai 1995, en présence de ma grand-mère qui avait vu passer le corps juste devant chez elle en 1944.


Je me suis toujours demandé qui était cet homme et surtout où était sa famille qui l'a cru disparu.
Si ce billet pouvait...






mardi 16 juin 2015

N comme l’île Nou et la tombe du bagnard qui cousine... du côté de ma mère et de mon père !

IleDesPins Bagne3.JPG

« IleDesPins Bagne3 » par Gérard JanotTravail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

J'ai découvert il y a pas mal de temps qu'un membre de ma famille était... bagnard.

Stupeur et tremblements ! Impossible ? Et nom, son dossier est conservé au ANOM, les Archives Nationales d'Outre-Mer à Aix-en-Provence. En voici la fiche sur le net. Je vous laisse découvrir toutes les subtilités des différents types de bagnes.

Il s'agit de David Doriot, né à Etupes (Doubs) le 7 mars 1834 qui émigra avec ses parents Jean-Nicolas et Catherine Peugeot dans un village en Algérie nommé Douaouda et sur lequel j'ai déjà écrit un article l'an passé.

Jean-Nicolas Doriot est même devenu maire de Douaouda...

Toujours est-il que David né en 1834 se maria en 1858 avec Marianne Keller qui lui donna plusieurs enfants. En 1877 il fut condamné aux travaux forcés pour avoir commis des attentats à la pudeur sur l'une de ses filles mineures. Visiblement très violent, il accueillit les gendarmes à coups de fusil !

Il fut alors condamné à la transportation (c'est à dire qu'il va contribuer à l'édification de routes, d'infrastructure...) au bagne de l'Île Nou en Nouvelle-Calédonie où il mourut le 9 mars 1896.

Son corps repose donc là-bas dans une tombe sans doute anonyme et détruite par le temps.

Voilà pour son histoire. Ce forçat est donc ancré dans ma famille maternelle et cousine avec celle-ci.

Ce qui est le plus étonnant, c'est que son fils Pierre Doriot, né en 1873 à Douaouda va épouser en 1896 à Isserville-les-Issers Marie-Thérèse Pastor. Le couple donnera naissance à Marie Doriot née à Isserville en 1899. Cette dernière épousera Alphonse Julien Allemand qui n'est autre que le petit-neveu de Pauline Lézarine Allemand née en 1839 à Saint-Julien-en-Champsaur (05).

Cette dernière, après avoir épousé  à Aumale en Algérie Joseph Léopold Sellier, un vosgien de Saint-Menge, donnera naissance à Marie Félicité Sellier qui épousera Alphonse Jean Pierre Plancard, le père de mon arrière-grand-père paternel...

Aussi improbable que cela puisse paraître, vu l'éloignement géographique des familles concernées qui se trouvent en Lorraine, Franche-Comté et PACA mais qui se retrouvent toutes en Algérie, je cousine avec David Doriot par ma mère mais aussi par mon père !

lundi 15 juin 2015

M comme Le Monument aux Morts d'Etupes et 14-18


Bien sûr, il n'a pas toujours été placé à cet endroit.
Il était un peu plus en avant de cette place jouxtant le temple et la mairie. Et sur sa droite, se trouvaient des "préfabriqués" où les associations, dont la fanfare d'Etupes, avaient leurs locaux.

Mais le monument, lui, existe depuis 1922. L'idée de sa conception date même de 1920. Rien de bien original. La Grande Guerre avait emporté des centaines de milliers de soldats et la France sortait broyée de quatre années de conflit. Il fallait rendre hommage aux poilus mort pour Elle.

Le monument est sobre et gris.

Au départ, il y eu les cinq noms de la guerre de 1870, dont je n'ai, pour l'instant, rien retrouvé de bien probant.


Auxquels se sont ajoutés les 20 noms des soldats de 1914-1918


Je me suis lancé il y a peu, Centenaire de la Grande Guerre oblige, dans l'étude de ce monument aux morts.

Forcément, dans ma commune, figure une célébrité avec laquelle je cousine : le caporal Peugeot (nous y reviendrons à la lettre P le 18 juin prochain)

Je ne ferai pas, ici, une étude exhaustive des noms qui y sont présents. Je les ai indexés sur le site Mémoire des Hommes et les noms se trouvent sur une page de ce blog où ils sont cliquables et renvoient sur le fiche de Mort pour la France.

Il y a ce Charles Bouvet du 372e RI qui meurt en Macédoine à Ochrida et qui est enterré à Bitola ou encore ce Charles Perlet, adjudant du 153e RI, né en Alsace en 1882, marié à Etupes et tué en 1915 à Ypres en Belgique où il est inhumé. Pourtant, à Etupes, une plaque sur la tombe de son épouse qui lui a survécu presque 60 ans, rappelle son souvenir :


Son visage est aussi connu, il est a découvrir sur le site Memorial GenWeb.
Il y a aussi dans le cimetière la tombe de Pierre Donzé, orné de sa photo et d'une médaille militaire. Ce 2e Classe du 84e RAL est mort le 15 avril 1917 à Saint-Hilaire-le-Grand en Marne près de Suippes. Né en 1896 à Etupes, il était le cousin germain de mon arrière-grand-Père Edmond Rigoulot (son père et la mère de Pierre Donzé étaient frère et sœur). Toute sa vie, il a fleuri la tombe de ce cousin qui lui était cher. 



Il y a aussi dans ce cimetière, le carré des corps restitués.Quelques tombes. Dont une qui a attiré mon attention. Elle porte le nom d'Henri Bull, un nom inconnu dans le secteur :


Pourtant, aucune fiche de Mort pour la France n'existe pour cette personne. Il a fallu toute la perspicacité d'un ami pour le retrouver. Il s'agit en fait d'Henri BÜHL, né à Paris au 37 de la rue Saint-Sauveur dans le 2e arrondissement, le 27 décembre 1898 (classe 1918). Son père Albert est garçon de magasin né à Mulhouse en 1872 et sa mère Joséphine Murat est née à Bitschwiller-lès-Thann (68) et décédera en 1952 à Villemeux-sur-Eure en Eure-et-Loire. Le couple s'était marié en 1895 à Héricourt en Haute-Saône.

Même la date de décès, figurant sur la tombe est fausse. Henri Bühl n'est pas mort le 7 octobre 1918 mais le 28 septembre 1918 à Sainte-Marie-à-Py en Marne (Extrait du jugement du tribunal civil dans les registre des décès de la commune d'Audincourt tout près d'Etupes où ses parents réside à l'époque). Pourquoi est-il sur le monument aux morts d'Etupes ? Mystère. Il y a peut-être passé son enfance. A creuser donc.

Enfin le monument aux mort d'Etupes s'orne d'une dernière plaque. Celle des morts de 39-45 : 20 personnes dont 5 déportés, une victime civile et un inconnu dont nous reparlerons ce mois-ci.
Maiscomme dirait Rudyard Kipling : "Mais ceci est une autre histoire".