Les tombes, lorsqu'on s'y intéresse de près, recèlent toujours des surprises, de l'insolite ou de l'inattendu.
C'est tout cela à la fois pour la sépulture de Maxime Plancard au cimetière de Caucade à Nice étudiée dans le billet précédent.
La surprise résidait dans la présence dans le caveau d'Émilie Alsace née de Linski née en 1870 et décédée à Nice en 1946.
Mais qui pouvait-elle donc bien être ?
Après une rapide recherche, je découvre son mariage à Charenton-le-Pont, en région parisienne, le 11 novembre 1889, une dizaine de jours après la fermeture de l'Exposition Universelle de Paris qui a vu la construction de la Tour Eiffel.
Où apparaît le Sénégal...
Elle épouse, Hippolyte Jules Théodore Alsace, "commis de première classe de Direction de l'Intérieur et secrétaire rédacteur du conseil général du Sénégal", peut-on lire sur l'acte de mariage.
Il vit à cette époque avec sa mère, à Saint-Louis du Sénégal. Son père, François Louis Alsace, étant décédé dans cette ville quelques mois plus tôt, le 10 avril 1889.
Hippolyte Alsace, qui deviendra administrateur des colonies, est né à Saint-Louis du Sénégal le 17 novembre 1862.
Il mourra jeune, à 36 ans, le 5 novembre 1898 sur l'île de Gorée au Sénégal, d'une fièvre endémique.
Nous reviendrons, dans un prochain billet, sur l'épopée de la famille Alsace au Sénégal, dont le patronyme est en fait tout autre...
La mariée, c'est donc Émilie Charlotte de Linski dont voici le portrait, en mariée, en compagnie de son époux.
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| Hippolyte Alsace et Émilie de Linski. Portrait réalisé par l'IA d'après une photographie réelle du couple de mariés. Les visages sont ceux des mariés. |
... et une île du bout du monde
Émilie de Linski, réside 15 rue des Bordeaux à Charenton-le-Pont au moment de son mariage, dans un immeuble aujourd'hui disparu.
Le plus exotique, c'est son lieu de naissance : Saint-George Basseterre, à l'extrême sud de l'île de Saint-Kitts qui forme avec celle de Nevis, la Fédération de Saint-Kitts and Nevis au sud de Saint-Barth' dans la mer des Caraïbes !
Son père, Jean-Baptiste de Linski est décédé à Charenton-le-Pont, sept ans avant le mariage de sa fille, le 16 février 1882. Sa veuve, Marie Augustine Gay n'est pas présente au mariage, mais donne son consentement par acte notarié. Sans doute peu en forme, elle réside à Arcueil-Cachan et mourra le 25 octobre 1891 à Saint-Maurice dans l'actuel Val-de-Marne. C'est son gendre, Hippolyte Alsace, qui déclare son décès. Il habite alors Paris avec son épouse au 4 rue de Fourcy dans le IVe arrondissement.
La... magie des actes d'état-civil
La question qui se pose d'emblée, c'est : pourquoi les parents d'Émilie de Linski se trouvaient-ils sur une île de la mer des Caraïbes en 1870 ? Autant dire dans un lieu où peu de Français étaient allés à cette époque.
D'autant que Marie Augustine Gay, née en 1833 à Saint-Martin-lès-Voulangis aujourd'hui Voulangis (Seine-et-Marne) est la fille d'un brocanteur et marchand forain. En 1850, elle avait épousé, en premières noces, un Lyonnais, Jean-Marie Péragoux né en 1819, lui aussi marchand forain. Un destin tout tracé pour elle au sein de sa catégorie sociale.
La réponse vient partiellement en consultant l'acte de décès de Chrétien Jean-Baptiste de Linski en 1882 au 40 rue des Carrières à Charenton-le-Pont.
Il est dit.. prestidigitateur !
Mais où se sont-ils mariés ?
En revanche, aucun indice n'apparaît quant au lieu et à la date du mariage des parents d'Émilie de Linski. Il faut creuser un peu la généalogie descendante. Et dans l'acte de naissance de l'une de ses sœurs, Marie-Louise, née à Paris en 1868 et morte à Charenton-le-Pont en 1871, on trouve la réponse.
En effet, le couple est dit "mariés à Ste-Croix près de St-Thomas, île danoise, depuis sept ans", c'est à dire aux alentours de 1861. L'île de Sainte-Croix, avec Saint-Thomas et Saint-Jean, font partie actuellement des Îles Vierges des États-Unis. Mais de 1754 à 1917, date de leur vente aux USA, elles appartenaient bien au Danemark.
Tournée aux Antilles
On imagine alors une tournée dans le secteur d'une troupe d'artistes comportant le magicien de Linski. c'est ce que nous apprend cet article du journal Les Antilles daté du 28 avril 1869... neuf mois avant la naissance d'Émilie.
| Les Antilles du 28 avril 1869 |
On y parle de la troupe du cirque Maya (en faisait-il partie ?) qui donne des représentations en Guadeloupe, à Basse-Terre sur le Champ Darbaud. Et apparaît M. de Linski "qui donne en ce moment à Georgetown des représentation très suivies". Georgetown, c'est la capitale du Guyana, un petit état au nord du Brésil, entre le Venezuela et le Suriname.
Ce qui corrobore l'idée qu'avec une troupe ou lui seul ou avec son épouse, effectuait une tournée dans les Caraïbes. D'autant que le couple sème des enfants à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe en 1863, à Pernambouc au Brésil en 1864 et à Récife toujours au Brésil en 1865. Une tournée qui a donc duré plusieurs années
On apprend aussi qu'il a laissé, sans doute en Guadeloupe, "de merveilleux souvenirs"...
Chrétien Jean-Baptiste de Linski déroule un destin et une trajectoire hors du commun pour un artiste de son époque. Nous la découvrirons dans un prochain billet.

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